Le vin des Romains

Le vin tient une grande place dans la civilisation romaine. C'est d'abord un produit de grande consommation (les estimations récentes donnent environ 130 litres par personnes et par an à Rome, au Ier siècle, toutes personnes confondues), et c'est d'autre part, un produit de conquête économique. Contre du vin, les Romains échangeaient en Gaule, des minerais, de la charcuterie et même des esclaves.
La production
- Les grands centres de productions des second et premier siècles avant J.-C. s'étalent des environs de Naples au sud, en Campanie jusqu'au pays des Étrusques au sud de Pise et Florence, en passant par le Latium, autour de Rome. Puis pour des raisons économiques les vignobles vont être implantés en Espagne, puis en Gaule.
- Les nombreux cépages utilisés dans l'Antiquité sont difficiles à reconnaître aujourd'hui, surtout après la grande épidémie du phylloxera de la fin du XIXe siècle qui a tout détruit.
- Les plantations, bien que souvent arbustives, les vendanges, et la vinification n'étaient pas très différentes de ce qui se pratiquait encore chez nous au début du XXe siècle. Cependant les processus de fermentation et de maturation du vin restant assez mystérieux, on ajoutait souvent des produits aux vertus curatives comme la poix, le sel, la poudre de marbre, du plâtre et encore bien d'autres.
- Les vins liquoreux étaient obtenus soit par séchage du raisin sur pied ou au sol, soit par concentration du moût par cuisson, pour obtenir la sapa ou le defrutum, selon la concentration.
- Grâce à l'étanchéité des amphores obtenue par leur poissage et à leur bouchage hermétique avec du liège et du ciment, le vin était conservé bon très longtemps. Il n'était pas rare de boire dans les grandes occasions une amphore de 100 ans.
- Pour un certain nombre de raisons, on faisait un large usage de plantes, soit en macération, soit en infusion courte, soit en cuisson. Sans pouvoir les citer toutes, en ayant dénombré plus de cent, nous mentionnerons les plus intéressantes : l'absinthe, le fenugrec, la racine d'iris, la fleur de vigne, etc.
Les types de vins
- Les appellations
- En dehors des vins grecs, qui étaient les plus cotés, un certain nombre de crus avaient la faveur des riches personnages de l'époque : d'abord le Falerne, produit au sud des monts Massiques au nord de Naples qui est cité le plus grand nombre de fois dans la littérature, puis le Cécube, les vins d'Albe, le Mamertin de Sicile et un grand nombre de "seconds" crus.
- Les vins ordinaires qui étaient bus par la plèbe ont peu d'histoire.
- Tous les produits dégradés du vin allant du vinaigre (la posca) qui était largement distribuée aux légionnaires.
- la palette des boissons à base de vins étaient beaucoup plus étendue que de nos jours, aussi bien en couleurs qu'en puissance et en arômes.
- Les couleurs
On considérait le vin sur cinq couleurs :
- le blanc, analogue de nos jours,
- le jaune ou ambré, issu du vieillissement de vin produit avec des raisins blancs passérillés,
- le gris, obtenu après une légère macération en présence des pellicules de raisins rose pâle grisâtres,
- le rouge, analogue de nos jours,
- le noir, issu du vieillissement de vin produit avec des raisins rouges passérillés.
La puissance
- Encore plus qu'aujourd'hui la mode, au moins avant et au début de notre ère, était aux vins liquoreux, donc d'un fort degré alcoolique (rappelons que naturellement on peut obtenir des vins titrant au maximum 17°). C'est pour cela que l'usage chez les Grecs et plus tard chez les Romains était de boire le vin coupé d'eau, froide ou chaude.
- Les traitements
Il était souvent d'usage de conserver les amphores au-dessus de la cuisine et de la cheminée pour les soumettre à la fumée et à la chaleur. Ce procédé permettait une forte concentration en alcool et des goûts d'oxydation assez proches des vins jaunes du Jura.
La consommation
À Rome on buvait beaucoup et partout : aux bains, dans les théâtres et les amphithéâtres, dans la rue, chez soi en mangeant ou dans des grandes beuveries et l'alcoolisme, bien que non encore identifié, régnait souvent jusque chez les plus grands personnages de l'État.
Les sources
On possède une masse d'informations écrites par les auteurs latins, soient des gastronomes comme Apicius, soient des agronomes comme Caton, Varron, Columelle, Pline ou Paladius.
- Ces informations sont complétées par les fouilles archéologiques qui ont livré depuis quelques années des restes de plantations de vignes, en particulier à Marseille, Nîmes et Lapalud, et, depuis longtemps, les ruines des celliers dans lesquels on préparait le vin et on le faisait vieillir. Ainsi a-t-on récemment découvert dans l'Hérault un domaine qui possédait une capacité de stockage de 7000 hectolitres. Les fours de potiers fabriquant des amphores et les épaves des navires qui les transportaient sont également riches en enseignement.

Les reconstitutions
Michel Bouvier, membre de Pax Augusta, fait parti de ces trop rares passionnés qui étudient et reproduisent des vins antiques. Parcourant le monde méditerranéen à la recherche d'ingrédients parfois fort rares, il concocte selon les recettes originales vins et nectars qui font les délices des goûteurs aventureux, lors des différentes manifestations de notre association. Découvertes sensuelles et exotiques garanties.
Mais aussi…
À Pompéi, un vigneron d'Atripalta en Campanie, Antonio Mastroberardino, est en train de reconstituer le vignoble intra-muros, qui était de l'ordre de 2 hectares avant l'an 79. Ce replantage est réalisé avec des cépages antiques et des conduites de la vigne telles qu'elles étaient pratiquées chez les Romains.
Un restaurateur voisin de St-Bertrand de Comminges, en Haute-Garonne, refait des vins avec un vigneron de Montans dans le Tarn, suivant les recettes d'Apicius. Ces vins épicés et miellés accompagnent parfaitement la cuisine romaine.
À Baucaire, dans le Gard, un vigneron, Hervé Durand, a reconstitué une installation à la romaine, avec un magnifique pressoir à levier (photos ci-contre et ci-dessus), et réalise des vins aromatisés. Sur le plan historique, il est intéressant d'assister aux vendanges et au pressurage aux environ du 15 septembre.
 
Par Michel Bouvier
 
Pour en savoir plus
R. Billard : "La vigne dans l'antiquité", Lyon 1913,
et Éditions Jeanne Laffite, Marseille, 1997
Roger Dion : "Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au XIXe siècle", 1959, 1977 et 1990.
André Tchernia : "le vin de l'Italie romaine", EFR, 1986.
Michel Bouvier : "L'homme et le vin", Museum de Lyon, 1994.
Michel Bouvier : "Les saveurs du vin antique, vins d'hier, vignerons d'aujourd'hui", Éditions Errance, Paris, 2001.