C'est
en -52, pour parer la grande révolte de Vercingétorix qui lance une armée
sur la province romanisée de Narbonnaise, que César lève la légion Alaudæ.
Son originalité vient du fait qu'elle se compose de non-citoyens, ce qui
déroge au droit romain. Pour donner le change, César ne lui attribut pas
un numéro d'identification, comme le veut la tradition, mais un simple
nom. Celui-ci signifie "alouettes" en gaulois, sans doute parce
que le panache des casques des légionnaires les faisait ressembler à cet
oiseau. Ce n'est vraisemblablement que plus tard, à l'aube de la guerre
civile avec Pompée, qu'il lui octroie la citoyenneté romaine, un numéro
- le V -, et la dote de ses enseignes légionnaires (-48 ?). Les
écrits de César ne nous renseignent pas directement sur le rôle de la
légion Alaudæ à la fin de la guerre des Gaules.
Soldat
de la légion Alaudæ au temps de César - reconstitution PAX AUGUSTA
Nous retrouvons notre légion stationnée en Sicile, à la garde du détroit
de Messine, sans doute pendant toute la durée de la guerre civile. Puis,
lorsque César débarque en Afrique pour y combattre les partisans de Pompée,
il emmène avec lui la Ve légion, que les textes décrivent alors comme
une unité de vétérans. Elle s'y bat glorieusement. À la bataille de Thapsus
(-47), elle demande comme un honneur d'être alignée face aux éléphants
ennemis. Selon Appien, elle gagne après la victoire le droit de faire
figurer cet animal sur ses enseignes (en réalité, cette distinction doit
venir du fait que César est le créateur de la légion, et que CAESAR en
langue punique veut dire "éléphant".) Le théâtre des opérations
se déplace avec elle en Espagne, où de terribles combats mettent fin à
la guerre fratricide (bataille de Munda).
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Nous
savons par Cicéron que César la destine ensuite à la conquête du royaume
parthe. Mais son assassinat en -44 coupe court au projet. Elle revient
en Italie pour participer à une nouvelle guerre civile entre les deux
"héritiers" du dictateur : Octave et Marc-Antoine. La Ve légion
prend le parti de ce dernier et se bat contre les troupes du Sénat (-43,
bataille de Mutina). Mais les deux frères ennemis se réconcilient un temps
(avec Lépide ils forment même un triumvirat) pour châtier les meurtriers
de César. C'est à Philippe, en Macédoine, qu'ils affrontent et vainquent
Brutus et Cassius. Les triumvirs se partagent l'Empire. Marc-Antoine administre
l'Orient et tombe sous le charme de Cléopâtre, comme avant lui son illustre
prédécesseur. Bien décidé à marcher dans ses traces, il reprend à son
compte le projet d'une guerre contre les Parthes, nation de cavaliers
rudes et insoumis.
Enseigne
à l'éléphant - reconstitution PAX AUGUSTA
Il entraîne certainement la Ve légion dans l'aventure (-36) qui tourne
au désastre avec près de 40.000 morts ! Abattu, Marc-Antoine retourne
auprès de la reine d'Egypte, qui le persuade de créer en Orient un grand
empire centré autour d'Alexandrie. Une nouvelle guerre civile éclate avec
Rome. Octave gagne la bataille décisive à Actium, en -31. Antoine et Cléopâtre
se suicident.
Octave (qui prendra le nom d'Auguste) se retrouve seul maître à bord.
Il s'emploie à réorganiser l'Empire. Il procède à de nombreux licenciements,
mais garde pourtant la Ve légion, sans doute parce qu'elle fut créée par
son "père". Avec plusieurs unités, il l'envoie en Espagne combattre
les terribles Astures et Cantabres, qui livrent à Rome une guérilla meurtrière
(-26 / -17). Durant cette affectation difficile, la Ve se montre particulièrement
rebelle. À Augusta Emerita (aujourd'hui Merida), les vétérans de la légion
Alaudæ édifie une colonie en -25.
Les textes nous permettent de retrouver notre légion sur la frontière
de Germanie, où elle subit sous les ordres de Lollius un cuisant échec
contre des pillards Sicambres. Elle perd son aigle dans la bataille (-16),
ce qui est une suprême humiliation, et perd vingt centurions brûlés vifs.
Aux limites de l'Empire, la Germanie apparaît à la fois comme une menace
et une tentation pour le pouvoir romain. Auguste caresse le rêve d'une
Magna Germania. Mais avant d'en entreprendre la conquête, il lui
faut assurer ses arrières. C'est ce qu'il s'emploie à faire pendant plusieurs
années, en réduisant méthodiquement les peuples alpins, s'ouvrant ainsi
une route directe vers le Nord (campagne commémorée par le trophée de
la Turbie, près de Monaco). La Ve légion Alaudæ participe sans
doute à cette guerre, bien qu'on en a aucun témoignage.
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Aigle
légionnaire en or
Pendant plus de 70 ans, notre légion va rester stationnée sur le Rhin,
dans une grande forteresse située à l'embouchure de la Lippe : Castra
Vetera (aujourd'hui Xanten). Elle va ainsi participer à presque toutes
les offensives dirigées contre les Germains, sous les ordres des meilleurs
généraux - Drusus, Tibère, Germanicus -, se couvrant sans doute de gloire,
mais la littérature antique est malheureusement avare de renseignements.
En 9 après JC, trois légions sont anéanties dans la forêt de Teutobourg
(désastre de Varus). Le gros de l'armée de Germanie est alors occupée
à réprimer un soulèvement général en Illyrie, contre les Pannoniens et
les Dalmates, et il n'est pas impossible que la Ve légion participe à
cette opération. Nous la retrouvons grâce à Tacite lors des grandes mutineries
qui éclatent à la mort d'Auguste, en 14 après JC. La légion Alaudæ
est la plus indisciplinée. Après une terrible répression, Germanicus entraîne
son armée de l'autre côté du Rhin pour rechercher les enseignes perdues
par Varus. L'expédition est aventureuse et tourne presque à la catastrophe
sur le retour. L'armée romaine s'enlise dans les marais (longi pontes)
et subit les assauts répétés des Germains. Dans un effort ultime, elle
les repousse et parvient à regagner le Rhin. Une dernière campagne menée
en 16 conduit la légion loin en territoire ennemi, où elle gagne une grande
bataille à Idistaviso.
En 21 de notre ère, l'armée de Germanie envoie des détachements en Gaule
pour mâter une révolte générale, orchestrée par des officiers gaulois
de l'armée romaine. Les rebelles sont exetrminés dans les Ardennes et
près d'Autun (victoire commémorée par l'arc d'Orange). Puis en 28 elle
s'illustre en réprimant un soulèvement du peuple des Frisons (dans le
nord de l'Europe). Avec le règne de Caligula s'ouvre un temps curieux
pour l'armée. Des simulacres d'expéditions sont menées contre les Bretons
et les Germains. Les légions supportent mal ces humiliations et Caligula
est peu de temps après assassiné.
Sous
le gouvernement de son successeur, l'empereur Claude, apparaît un général
de grand talent à la tête de l'armée du nord : Corbulon. Celui-ci rétablit
la discipline et conduit une guerre acharnée contre les ennemis de l'Empire.
En 69 éclate une nouvelle guerre civile, durant laquelle quatre empereurs
vont se succéder en un an : Néron, Galba, Othon et Vitellius. Ce dernier
commande les légions de Germanie et se fait proclamer par elles "empereur".
Il écrase les troupes d'Othon, mais se voit bientôt opposer un nouveau
prétendant à la succession : Vespasien, lui-même général. Les armées partent
s'affronter à Crémone, en Italie, pendant qu'une partie de la Ve légion
garde les quartiers à Castra Vetera. Vittelius est battu. Pendant
ce temps les Bataves, dirigés par Civilis, se soulèvent et assiègent la
forteresse. Contre promesse de leur accorder la vie sauve, les légionnaires
acceptent d'abandonner la place. Mais une fois à l'extérieur ils sont
complètement exterminés. Parvenu sur le trône, Vespasien anéantira la
révolte de Civilis. Quant à la Ve légion, décimée sur deux théâtres d'opération,
elle est certainement dissoute et ses effectifs survivants répartis dans
d'autres unités. Certains historiens la font disparaître au cours d'une
campagne en Mésie, en 70, ou pendant une expédition en 86; d'autres enfin
situent son anéantissement en 92 sur le Danube, contre les Sarmates. Aucune
preuve ne vient étayer ces hypothèses.
Porte
du camp de Wiessenberg
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